Études sur l’homosexualité : Que racontent-elles vraiment ?

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Gêne homosexuel, influence de la mère, ordre de naissance… autant d’explications avancées par la science pour tenter d’expliquer le comportement sexuel. Mais ces théories sont-elles suffisantes ? Sur quels biais épistémologiques sont-elles critiquables ?

Cet article n’a pas pour vocation de prendre parti ou d’amener des réponses concrètes à l’origine des différences des préférences sexuelles, mais plutôt d’introduire aux problèmes épistémologiques et politiques qu’ils portent. Nous vous invitons également à écouter notre table ronde sur l’importance des représentations dans lequel nous abordons entre autres l’importance de l’image que la science donne de la sexualité notamment.

  • La norme sociale

Le premier biais que l’on peut énoncer à propos des études faites sur l’homosexualité, c’est la façon dont elles définissent le sujet à travers le prisme dans lequel la société l’accepte. On remarque en effet, que la plupart des études sont portées sur les hommes homosexuels, en les comparant aux hommes hétérosexuels. Cela nous révèle en quoi les sciences en tant que domaine professionnel sont imprégnées de la norme1. On a notamment des femmes relayées au second plan qui plus est dans une vision binaire du genre, mais aussi comment une barrière fondamentale dichotomique, est mise entre homosexualité et hétérosexualité, et souvent sans aucune référence aux autres sexualités comme la bisexualité, la pansexualité, la demisexualité, l’asexualité, etc… Ce problème est décrié entre autres par la communauté LGBTQIAA+ (Lesbiennes, Gays, Bis, Trans, Queer, Intersexe, Asexuels, Aromantiques + Alliés, et autres) et notamment par le mouvement queer qui se définit principalement autour du rejet de la société cis-hétéro normative (sans pour autant chercher à ranger leur sexualité ou leur identité de genre dans une définition précise). En requestionnant ces aspects complexes de l’être humain, ils ont permis d’envisager de nouvelles façons de regarder les différences, notamment à travers l’idée du spectre2 : l’idée que des paramètres comme sexualité et identité de genre ne sont pas qualifiable ou quantifiable mais qu’il s’agit de degré, de nuances, de préférences variables.

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Une idée de représentation par spectre des différents aspects d’une personne. Crédit : www.transstudent.org

 

Le problème de ces conceptions est qu’étant non mesurables ou quantifiables, elles semblent difficilement compatibles avec des plans d’études sociologiques ou psychologiques. Même les échelles comme celle de Kinsey3 (exprimant pour le rapport entre genre et sexualité une échelle allant d’une attirance exclusive au même sexe à une attirance exclusive au sexe opposé) ne peuvent retranscrire la réalité d’une chose aussi complexe. Mais aujourd’hui encore les pistes lancées par ces travaux ne suffisent pas à traduire la diversité des préférences revendiquées de plus en plus depuis la libération sexuelle des années 19604, comme le degré d’importance entre relation romantique et sexuelle (asexuels, aromantiques, demi-sexuels…) corrélé aussi au genre de manière non exclusive à la sexualité (homoromantique, biromantique, panromantique, hétéroromantique, etc…) ou encore les attirances sexuelles non définies par des critères fermés (pansexuels, sapiosexuels, etc…), sans oublier les relations impliquant plus qu’un partenaire (polyamoureux) et les identités de genre des partenaires (personnes transgenres, non-binaires, agenres, genderfluid…).

  • La portée des travaux

Si maintenant on s’intéresse non plus aux problèmes du paradigme dans lequel ces études prennent racine, mais aux implications de ces dernières, d’autres biais émergent. Prenons pour exemple les études génétiques, physiologiques ou éthologiques dont l’objet d’étude est la recherche de l’origine biologique de l’homosexualité. Deux problèmes émergent : l’argument du déterminisme et les utilisations possibles d’une telle découverte. D’un côté certains cherchent à cibler un élément récurent que l’on retrouverait chez tous les homosexuels et uniquement eux. Mais cela n’est pas sans rappeler les conséquences qu’ont pu avoir les recherches sur des critères physiques ou moraux. En effet, pathologiser ou a minima « physiologiser » une différence peut avoir de lourdes conséquences selon le contexte politique et moral dans lequel de telles théories peuvent être utilisées. Afin de contrer ce caractère discriminant menaçant d’utiliser la neutralité des sciences à des fins plus idéologiques, des chercheurs se sont posé la question d’une origine dépassant la seule réalité de l’Homme. Se disant que retrouver un comportement homosexuel dans la nature5 prouverait au moins qu’il ne s’agit pas d’une déviance non naturelle liée à la société, mais d’un même phénomène évolutif ayant un rôle6. C’est le but de cetaines recherches en éthologie et sexualité animale, dont ont pu émerger par exemple la théorie du gay uncle.

Mais dans les deux cas, la science pourra peut-être en effet trouver des origines, ou un rôle quel qu’il soit pour les populations. Cela comporte-t-il pour autant un argument quelconque dans des questions de justification morale ou politique ? D’un côté on pourra en entendre dire que si l’on en trouve l’élément d’origine, on pourra le prévoir, ce à quoi le philosophe se doit de répondre que ce n’est pas ce qui en fait une démarcation d’ordre moral ; et d’un autre côté d’autres diront que si on la retrouve dans la Nature c’est que cela n’est pas un problème, comme dans cette vidéo sarcastique de vulgarisation sur le sujet par exemple…

Mais attention ! Par honnêteté intellectuelle, il faudra là aussi rappeler que dans cette même Nature on retrouve des comportements de viols  et que ce n’est pas son caractère « naturel » qui justifie qu’un comportement soit bon ou mauvais. À noter que tout ce paragraphe s’applique évidemment à toute recherche s’intéressant à toutes les sexualités énoncées ci-avant, mais qu’il s’inscrit dans une réalité où les études sur les mâles homosexuels sont encore prédominantes.

En conclusion, la nature humaine, à l’instar du reste du monde, reste quelque chose de complexe, d’autant plus par le caractère changeant et auto-défini de ce dernier. L’étudier nécessite là aussi de séparer plusieurs implications étiquetées d’une certaine façon afin de théoriser son fonctionnement. Mais cet article est là pour rappeler à la science et aux scientifiques les limites de ces travaux. Vous aurez aussi compris je l’espère que ce billet est aussi là pour expliquer en quoi les STS ne jouent pas seulement un rôle dans la recherche des critères de scientificité mais aussi pour rappeler en quoi les études comme celles évoquées plus haut sont des exemples type de la façon dont la science n’est pas toujours 100% objective et dépend de son environnement géopolitique et social.

Pour les définitions :

Cliquer pour accéder à Lexique-LGBT.pdf

Bibliographie :

  1. About LGBT STEM – LGBT STEM. https://lgbtstem.wordpress.com/about/. Accessed May 20, 2019.
  2. PhD DJDM. Male Sexuality and Alfred Kinsey’s 0–6 Scale: Toward “A Sound Understanding of the Realities of Sex.” Journal of Homosexuality. 2010;57(9):1105-1123. doi:10.1080/00918369.2010.508314
  3. PhD DJDM. Marking Sexuality from 0–6: The Kinsey Scale in Online Culture. Sexuality & Culture. 2011;(16).
  4. Reich W. La révolution sexuelle: Pour une autonomie caractérielle de l’homme. Erscheinungsort nicht ermittelbar: Christian Bourgeois Éd.; 1993.
  5. Poiani A, Dixson AF. Animal Homosexuality: A Biosocial Perspective. New York: Cambridge University Press; 2010.
  6. Sommer V, Vasey PL. Homosexual Behaviour in Animals: An Evolutionary Perspective. Cambridge: Cambridge University Press; 2010.

Orientation sexuelle (biologie). In: Wikipédia. ; 2019. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Orientation_sexuelle_(biologie)&oldid=158892794. Accessed May 20, 2019.

Acermendax. La “bonne” manière de défendre l’homosexualité ? La Menace Théoriste. June 2017. http://menace-theoriste.fr/bonne-maniere-defendre-homosexualite/. Accessed May 8, 2019. Hackett EJ, Society for Social Studies of Science, eds. The Handbook of Science and Technology Studies. 3rd ed. Cambridge, Mass: MIT Press : Published in cooperation with the Society for the Social Studies of Science; 2008.

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