Pourquoi la science aurait-elle besoin d’écologie politique ?

Les rapports sciences-société semblent parfois difficiles à concevoir pour quelqu’un ne connaissant pas les sciences studies. C’est en ce sens que l’écologie politique semble pertinente, elle permet de les mettre clairement en évidence. On trouve une introduction à cela dans un article de Catherine Larrère.

Les 26 et 27 janvier dernier, de nombreuses actions en faveur de l’environnement ont été menées à travers de toute la France. Les revendications ? Selon le collectif Citoyens pour le climat, à l’origine de la manifestation, l’objectif est de “faire pression sur les décideurs”. Ielles appellent les pouvoirs publics à prendre en compte l’urgence de la situation climatique et agir en conséquence. Cette urgence, ce sont des scientifiques qui l’ont déclarée il y a de ça plusieurs dizaines d’années déjà. Leurs travaux alertent sur les dangers encourus par la planète, et désignent l’humanité comme en étant la coupable. Elleux-mêmes s’adressent aux politicien.e.s, créant une connexion entre deux sphères qu’on imagine pourtant éloignées l’une de l’autre : la science et la politique. Quelle place prend alors le scientifique dans les débats écologiques ?

En effet ielles ont étudié en profondeur les problèmes environnementaux et cela dans des domaines variés tels que la chimie, la géologie ou la climatologie. Et ielles ont des solutions tirées de ces travaux. A première vue, la question de la place du scientifique paraît simple à résoudre. Si les scientifiques sont les mieux renseignés sur le sujet alors donnons leurs la parole et écoutons-les. C’est contre cette idée que se positionne Larrère, spécialisée dans la philosophie de l’environnement, dans son article “L’écologie politique existe-t-elle ?”. Je vais dans les lignes qui suivent expliciter les deux principaux arguments qu’elle y développe.  

Ecologie profonde / écologie superficielle

 L’écologie scientifique est un domaine de recherche qui étudie les relations qu’ont les êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Suite à un glissement de langage son nom a donné celui de l’écologie politique, l’ensemble des actions politiques liées à la sauvegarde de l’environnement. L’être humain est en relation avec son environnement et c’est la nature actuelle de ces relations qui a mené à la crise écologique. Apporter une solution à cette crise revient donc à modifier les interactions humains / environnement. Ces modifications sont des modifications politiques. Les scientifiques, s’ielles ont en effet une expertise sur les questions environnementales, n’en ont pas forcément sur les questions politiques et sociales. C’est en ce point que sciences et politique se rencontrent.

Appliquer telles quelles les solutions scientifiques ne permet pas de changer en profondeur les rapports que nous avons avec notre environnement. C’est-à-dire qu’on conserve le cadre politique actuel, soit un système capitaliste, et on cherche des solutions à l’intérieur de ce cadre. Larrère reprend les termes du philosophe norvégien Arne Naess et appelle ce type d’action politique de l’écologie superficielle. Hors ce système est lui-même responsable de nombres de problèmes environnementaux. Par exemple la sur-consommation est une conséquence directe du libre échange propre au capitalisme et entraîne une quantité effarante de déchet. Imaginons que l’on se trouve tou.te.s dans un kayak, ce kayak étant percé. Faire de l’écologie scientifique sans faire de l’écologie politique reviendrait à utiliser frénétiquement une petite cuillère pour tenter d’écoper l’eau. Une écologie profonde au contraire intègre en son sein la politique et les sciences pour produire un nouveau cadre.

Catastrophisme et technocratie

    Le recours à une écologie qui soit politique semble donc tomber sous le sens. Quels sont alors les freins à son application ?

Catherine Larrère introduit ici le terme de catastrophisme. Celui-ci désigne la catastrophe écologique qui arrive. Les scientifiques nous en ont dressé un tableau effrayant. On pense à l’ours blanc qui se meurt sur la banquise, au trou dans la couche d’ozone, à la disparition de toute eau potable sur la planète et j’en passe. Les choix politiques que nous faisons actuellement prennent une ampleure jamais égalée auparavant. Impossible alors de se tourner vers l’Histoire à la recherche d’exemples ou de leçon à tirer. On demande pourtant aux pouvoirs politiques d’agir pour sauver la planète. Sauver la planète, rien que ça ! Si l’on ajoute la nécessité de se coordonner à l’échelle nationale, on comprend mieux alors pourquoi ielles se tournent vers la science. D’un côté la catastrophe imminente et son lot d’inquiétude, de l’autre une science qui se veut rationnelle et des résultats que l’on pense objectifs.

Pourtant l’idée de laisser les décisions politiques aux mains des scientifiques me paraît dangereuse. Larrère donne un exemple tiré de “l’appel des 15 000”, une tribune signée comme son nom l’indique par 15 000 scientifiques et parue en 2017. Parmis les solutions qu’ielles apportent, ielles proposent de “déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital”. Cela se veut scientifique, cela se veut neutre. Plot twist : ça ne l’est pas. Décider de réguler les naissances ce n’est pas neutre politiquement parlant. C’est faire le choix de limiter le nombre d’individus plutôt que de limiter la quantité de ressource disponible pour chaque individu. C’est occulter la réalité sociale et le fait que tous les êtres humains sur terre n’ont pas la même empreinte écologique. Enfin si je reprend les mots de Larrère, c’est “passer pour une vérité scientifique ce qui est un jugement politique”. On voit apparaître clairement les dérives possibles de la technocratie, un mode de gouvernance qui laisse une place centrale aux scientifiques.

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